Quand est venu le crépuscule, tout le pays s’est massé devant les écrans de télévision. Habituellement, seuls les matchs des Lions de la Teranga, l’équipe nationale de football, ou les combats de lutte hypnotisent autant de téléspectateurs au Sénégal. Mais, cette fois-ci, à 20 heures, c’est le président qui est apparu à la Radio-télévision nationale sénégalaise. Dans les bars de la capitale, les débats ont cédé la place au silence. Les rues, pleines d’embouteillages à cette heure-là, se sont soudainement vidées. En prévision d’éventuels pillages et de nouvelles violences, nombre de boutiques ont baissé leur rideau. « Mes chers compatriotes, ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024 », a déclaré Macky Sall, après une vingtaine de minutes de discours. Cela faisait plus d’un an que le président sénégalais faisait planer le suspense sur une éventuelle troisième candidature, plongeant le pays dans l’incertitude et de fortes tensions. Si son camp arguait de la révision constitutionnelle de 2016 pour souligner que « les compteurs étaient remis à zéro » et que leur chef pouvait se présenter à nouveau à l’élection présidentielle de février 2024, ses opposants rappelaient que la Constitution limitait désormais à deux le nombre de mandats, ce qui rendait cette troisième candidature. La décision de Macky Sall a été saluée par de nombreux hommes d’État en Afrique et dans le monde.
Le parcours exceptionnel de Macky Sall
Formé à l’Institut des Sciences de la Terre (IST) de Dakar et diplômé de l’École Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs (ENSPM) de l’Institut Français du Pétrole (IFP) de Paris, Macky Sall devient ingénieur géologue puis géophysicien. Né le 11 décembre 1961 à Fatick, dont il fut maire de 2009 à 2012, il a gravi les échelons de l’appareil d’Etat pour se hisser au sommet. Le président sénégalais fait son entrée en politique dans les années 1980 où il rallie le mouvement marxiste-léniniste And-Jëf. Il s’en éloigne rapidement. Le militant de la gauche se reconverti au libéralisme avec son adhésion au Parti Démocratique Sénégalais, PDS, fondé par Abdoulaye Wade.L’ancien avocat remarque très vite le jeune leader de son parti.
En Décembre 2000, Macky devient directeur général de la Société des pétroles du Sénégal (PETROSEN) après plusieurs années au poste de chef de la division Banque de données et conseiller spécial auprès du Président de la République, chargé de l’Énergie et des En mai 2001 il est nommé ministre des mines, de l’Industrie et de l’Hydraulique. C’est le début d’une rapide ascension politique.
Ministre d’État, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, porte-parole du gouvernement, Premier ministre puis président de l’Assemblée nationale, Macky a occupé presque tous les postes au sommet de l’Etat. Nommé Premier Ministre le 21 avril 2004, il aura passé 03 ans à la tête du gouvernement avant de conduire la campagne pour la réélection du Président Abdoulaye en 2007.
Avec 143 voix sur 146, Macky Sall est élu le 20 juin 2007 à la présidence de l’Assemblée nationale. Mais brusquement son cheminement avec le Président Abdoulaye Wade prend une mauvaise tournure.
Il avait décidé de convoquer son fils Karim Wade à l’Assemblée nationale pour une audition sur les travaux de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique. Face à son refus de démissionner, son poste de numéro 2 du PDS est supprimé, le mandat du Président de l’Assemblée nationale réduit de cinq à un an. Le 9 novembre 2008, Macky Sall claque la porte au PDS et démissionne de tous les mandats électifs acquis sous la bannière du parti au pouvoir. Mois d’un mois plus tard, il crée, avec une trentaine de cadres du PDS, l’Alliance Pour la République, APR.
Commence alors pour le natif de Fatick une «longue marche» dans les régions les plus reculées du pays, avec en ligne de mire la présidentielle de 2012. Celui qui n’a jamais pensé être président de la République nourrit désormais des ambitions. « Lorsque je suis entré en politique, je n’avais pas pour ambition d’être président de la République. Cette ambition, je l’ai eue lorsqu’on m’a imposé un combat à l’Assemblée nationale. Même étant Premier ministre, je n’y pensais pas », disait-il lors d’un forum sur la citoyenneté en 2017.
Candidat de la coalition « Macky 2012 », il mène campagne à travers le pays sans couper avec le mouvement d’opposition du 23-Juin (M23). Il arrive en deuxième position du premier tour, avec 26,58 % des voix contre 34,81 % au président sortant.
Dans l’entre-deux-tours, il réunit tous les autres candidats battus dans la coalition Benno Bokk Yakkar (« Unis pour le même espoir » en wolof) et emporte le second tour le 25 mars avec 65,80 % des voix contre 34,20 %.Macky Sall accède ainsi à la magistrature suprême le 2 avril 2012. Par le passé, Macky Sall avait déjà été accusé d’avoir fait emprisonner ses adversaires Khalifa Sall, alors maire de Dakar et leader de la coalition Taxawu Senegaal, et Karim Wade pour les empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2019, une accusation qui avait été rejetée par la majorité présidentielle.