Le moment est historique, mais pas dans le bon sens pour Marine Le Pen face à la justice. Candidate trois fois à la Présidentielle de 2012, 2017 et 2022, elle s’était pourtant faite une défenseure de la morale publique en matière de gouvernance, au Front National, devenu aujourd’hui Rassemblement National.
Marine Le Pen voit donc sa course à l’Élysée être stoppée net par le Tribunal Correctionnel de Paris siégeant en première instance, dans l’affaire des assistants parlementaires. Elle écope de 4 ans de prison dont 2 ferme avec aménagement sous bracelet électronique, 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire donc immédiate et sans oublier 100.000 euros d’amende.
Marine Le Pen dénonce une “décision politique” et non judiciaire
Toutefois, la présidente du groupe parlementaire du Rassemblement National (RN) reste députée à l’Assemblée Nationale, son mandat étant en cours. La leader d’extrême droite ne pourra donc pas se présenter à une élection, une future élection législative ou bien à une élection présidentielle qui interviendra dans les 5 prochaines années.
Invitée au 20 Heures de nos confrères de TF1, Marine Le Pen a réagi lundi soir à sa condamnation en dénonçant une “décision politique”. “La magistrate a assumé très clairement mettre en œuvre l’exécution provisoire de l’inéligibilité pour m’empêcher de me présenter à l’élection présidentielle », a-t-elle déploré. Et de renchérir : « L’État de droit a été totalement violé par la décision rendue, puisque la magistrate a empêché un recours.”
Des recours annoncés
Quelles options judiciaires désormais pour Marine Le Pen ? Il reste un espoir pour elle, très mince, mais sa candidature reste encore techniquement possible : il faut pour cela qu’un jugement en appel, revienne sur le verdict et l’innocente ou bien prononce une autre peine, sans inéligibilité. Dans quelle mesure est-ce possible ? L’audiencement des appels prend généralement 18 mois à deux ans, et compte tenu du dossier, les délais pourraient être tenus pour que Marine Le Pen soit de nouveau jugée en 2026. Le second jugement puis le délibéré tomberaient alors avant la présidentielle et en cas de relaxe prononcée par la cour d’appel, sa candidature serait valable. Mais ce scénario reste cependant très peu probable : il serait extrêmement surprenant qu’un juge change d’avis sur le fond de cette condamnation, compte tenu des motivations très détaillées du jugement de 162 pages en première instance.
Menace sur la stabilité politique française
Dans les rangs du gouvernement, une telle sanction était anticipée. Pour les politiques, il y’ aura deux stratégies possibles : Soit la victimisation, soit Marine Le Pen bordélise tout le système. Autrement dit : le RN va assurer dans tous les médias qu’il s’agit d’une condamnation injuste et politique, et jouer l’indignation sur le terrain parlementaire en brandissant à nouveau la menace d’une motion de censure du gouvernement. Ils sont capables de frapper dans la fourmilière en quelques jours. Le gouvernement Barnier en a payé les frais à la suite des législatives anticipées 2024.
Marine Le Pen va conserver un rôle central au RN pour le moment. Patronne des députés du parti, elle fera toujours partie des poids lourds de l’Assemblée nationale tant que son mandat ne prend pas fin. Enfin, rien ne pourrait l’empêcher de tout de même diriger la France comme Première ministre de Jordan Bardella, si ce dernier venait à être élu président dans deux ans ou avant. En effet, le locataire de Matignon étant nommé et non élu. La condamnation de Marine Le Pen ce lundi n’a pas d’impact sur un tel scénario. À noter que tous les mandats locaux de Marine Le Pen sont désormais caducs.
Pour justifier la peine d’inéligibilité immédiate, la présidente Bénédicte de Perthuis a déclaré que le tribunal avait « pris en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public, en l’espèce le fait que soit candidate à l’élection présidentielle une personne déjà condamnée en première instance”
Au total, 23 autres personnes ont été condamnées, ainsi que le FN (devenu RN), qui s’est vu infliger deux millions d’euros d’amende, dont un million ferme, et une confiscation d’un million d’euros saisis pendant l’instruction.
Des réactions inédites
Le multi milliardaire américain Elon Musk a dénoncé lundi un « abus du système judiciaire » après la condamnation de Marine Le Pen à l’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires.
« Lorsque la gauche radicale ne peut pas gagner par le biais d’un vote démocratique, elle abuse du système judiciaire pour emprisonner ses opposants. C’est son mode opératoire à travers le monde », écrit Elon Musk sur son réseau social X (ex-Twitter). Et d’ajouter dans un autre post : « Il y aura un retour de bâton, comme avec les attaques judiciaires menées contre le président Trump ».
François Bayrou a été « troublé par l’énoncé du jugement » de cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat à l’encontre de la cheffe de file du Rassemblement national. Le chef du gouvernement n’entend toutefois faire aucun commentaire sur une décision de justice.
« L’exclusion de personnes du processus politique est particulièrement préoccupante compte tenu de la guerre judiciaire agressive et corrompue menée contre le président Donald Trump ici aux États-Unis », a déclaré à la presse la porte-parole du département d’État, Tammy Bruce. C’est la première réaction officielle de l’administration Trump à la condamnation à une inéligibilité immédiate de cinq ans de la cheffe de file de l’extrême droite française.