En décidant de se retirer de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger issus de coups d’Etat prennent le risque de compromettre la libre circulation et repoussent le retour des civils au pouvoir. La Cedeao, organisation économique régionale de quinze pays, s’est opposée aux coups d’Etat ayant successivement porté au pouvoir les militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, imposant de lourdes sanctions économiques au Niger et au Mali.
En août 2023, elle est allée jusqu’à menacer d’intervenir militairement au Niger pour y rétablir l’ordre constitutionnel et libérer le président Mohamed Bazoum renversé. Le dialogue est pratiquement rompu entre l’organisation et les régimes de Bamako, Ouagadougou et Niamey, qui ont créé l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et accusent leurs voisins d’agir sous l’influence de « puissances étrangères », en premier lieu la France, ancienne puissance coloniale dans la région.
Des élections étaient en théorie prévues au Mali et au Burkina Faso en 2024, censées assurer le retour à un gouvernement civil, préalable exigé par la Cedeao pour lever ses sanctions et rétablir ces pays dans ses instances décisionnelles. Mais les partisans des régimes militaires souhaitent allonger la durée des transitions, invoquant la lutte antidjihadiste. Le nouvel homme fort du Niger, le général Abourahamane Tiani, n’a pas encore annoncé de calendrier de transition.
« Les Etats de l’AES ont anticipé un débat qui devait venir, celui de la fin des transitions. La sortie de la Cedeao semble remettre au second plan cette question », estime Fahiraman Rodrigue Koné, spécialiste du Sahel à l’Institut des études de sécurité (ISS). « Bien installés dans les palais et devant les délices du pouvoir, ils [les dirigeants des pays de l’AES] veulent s’éterniser dans les fauteuils présidentiels », fustige Le Patriote, quotidien du parti au pouvoir en Côte d’Ivoire.
L’inquiétude des ressortissants des trois pays
La Cedeao garantit aux citoyens des pays membres de pouvoir voyager sans visa et de s’établir dans les pays membres pour y travailler ou y résider. L’annonce du retrait burkinabé, nigérien et malien, suscite donc l’inquiétude de centaines de milliers de ressortissants de ces pays, particuliers ou commerçants.
Les trois pays enclavés du Sahel et leurs principaux partenaires économiques côtiers comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont toutefois membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA, huit pays), qui garantit elle aussi en principe la « liberté de circulation et de résidence » pour les ressortissants ouest-africains, ainsi que le dédouanement de certains produits et l’harmonisation des tarifs et des normes, à l’instar de la CEDEAO.
Les conséquences d’un retrait pourraient être plus marquées aux frontières du Niger et du Nigeria, pays n’appartenant pas à l’UEMOA. Le géant économique d’Afrique de l’Ouest représente plus de la moitié du PIB de la Cedeao et est le premier partenaire économique du Niger dans la région. Les 1 500 kilomètres de frontière qui séparent les deux Etats sont toutefois mal contrôlés et en proie aux attaques des groupes armés. Une part importante des flux échappent aux contrôles douaniers.