Le président tunisien Kaïs Saïed a démis le 27 juillet de leurs fonctions des hauts fonctionnaires de l’Etat, dans une série de révocations entamées deux jours plus tôt. Par un décret du 23 juillet, il avait mis fin aux fonctions du colonel-major magistrat Taoufik Ayouni, procureur général directeur de la justice militaire. Les limogeages concernent également le chef du gouvernement Hichem Mechichi, le secrétaire général du gouvernement, Walid Dhahbi , ainsi que tous les conseillers du chef du gouvernement, dont Rached Ben Romdhane, Slim Tissaoui, Mofdi Mseddi, et le président du Comité général des résistants, des martyrs et blessés de la révolution et des actes terroristes, Abderrazek Kilani. Par voie de communiqué, Mohamed Lassaad Dahech, le président-directeur général de l’établissement de la télévision tunisienne, a été limogé. Vendredi, le député Yassine Ayari du mouvement « Amal wa Aamal » a été arrêté. Le président Kaïs Saïed, 63 ans, surnommé « RoboCop » par les Tunisiens est désormais seul aux commandes.
« Selon la Constitution, j’ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l’Etat et le peuple tunisien », a déclaré le président Kaïs Saïed à l’issue d’une réunion d’urgence au palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité, au soir du 25 juillet. « Nous traversons les moments les plus délicats de l’histoire de la Tunisie », a-t-il ajouté, précisant qu’il ne s’agit ni d’une suspension de la Constitution ni d’une sortie de la légitimité constitutionnelle. « La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle permet le gel de ses activités », a expliqué le président Kaïs Saïed, s’appuyant sur l’article 80 qui permet ce type de mesure en cas de « péril imminent ». En plus du gel du Parlement, en vigueur pour 30 jours, la lever l’immunité parlementaire des députés, le chef de l’Etat a également promis de poursuivre les personnes impliquées dans des affaires judiciaires.
Les annonces du président Kaïs Saïed font suite à des manifestations dans de nombreuses villes du pays, en dépit d’un important déploiement policier pour limiter les déplacements. Les milliers de protestataires ont notamment réclamé la « dissolution du Parlement ». La frustration des citoyens est exacerbée par les conflits entre partis au Parlement, et le bras de fer entre le chef du Parlement Rached Ghannouchi et le président Saïed, qui paralyse les pouvoirs publics. Beaucoup reprochent aussi au gouvernement son manque d’anticipation et de coordination face à la crise sanitaire, laissant la Tunisie à court d’oxygène. Avec ses près de 18 000 morts pour 12 millions d’habitants, le pays a l’un des pires taux de mortalité officiels au monde dans la pandémie de COVID-19. Criant des slogans hostiles à Ennahdha et au Premier ministre Mechichi, les protestataires réclamaient entre autres un changement de Constitution et une période transitoire laissant une large place à l’armée, tout en maintenant le président Saïed à la tête de l’Etat.